Institut d'études et de recherches Maçonniques

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Rouget de Lisle franc-maçon

 

Par Pierre Mollier

 

Depuis la fondation de la Troisième République, la question de l’appartenance maçonnique des plus ou moins grands acteurs de l’histoire de France est devenue un enjeu idéologique. D’un coté la Maçonnerie n’hésita pas à revendiquer d’illustres personnages étrangers aux loges bien que bons républicains, de l’autre les adversaires de l’Ordre contestèrent ou minorèrent des engagements maçonniques, parfois inattendus, mais clairement établis par les archives. Dans cette querelle des ancêtres, la personnalité de Rouget de Lisle occupe une place un peu particulière. Si le rôle réel de l’auteur de La Marseillaise dans la Révolution est modeste et de courte durée, sa contribution à l’histoire de notre pays est hautement symbolique. Elle a d’ailleurs donné lieu à toute une mythologie républicaine. Or Rouget de Lisle a été franc-maçon, mais comment évaluer la ferveur de son engagement maçonnique qui ne nous est connu que par un unique document ?

A l’entrée Rouget de lisle, on peut lire dans le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie de Daniel Ligou :

Rouget de Lisle (Claude Joseph), 1760-1836. Le célèbre auteur de La Marseillaise a appartenu à la loge Les Frères Discrets, Orient de Charleville. Plusieurs membres de sa famille ont appartenu à la loge L’Intimité, Orient de Niort.

Intéressant mais lapidaire… si l’on peut dire ! Mais on ne saurait en tenir rigueur à un dictionnaire qui nous a mis sur la piste. Pour aller plus loin, il convient donc de se lancer dans l’exploration des archives du Grand Orient de France aujourd’hui conservées à la Bibliothèque nationale.

Les archives de la correspondance du Grand Orient avec la R\L\ Les Frères Discrets à l’O\ de Charleville – de son agrégation en 1775 à sa mise en sommeil en 1790 – sont conservées sous la cote FM2 210. Au folio 127, on découvre le « Tableau des frères membres et affiliés voyageurs qui composent la respectable loge de St Jean constituée sous le titre distinctif des frères discrets, séant à l’orient de Charleville pour l’année de la grande lumière 5782 ». Une mention a été rajoutée qui précise « enregistré par la Chambre du GO le 12 aôut 1782 ». Ce tableau comprend 24 noms dont un abbé et 16 militaires – 8 dragons du régiment de Belsunce, 3 du génie et 3 artilleurs – parmi eux les comtes de Monet et de Cérisy et le vicomte des Androuin. Au verso du folio 127, le 22ème membre est « ½Claude Joseph½Rouget de l’Isle½officier du Génie½membre né½maître symbolique½ ». Cette unique ligne dans le tableau de 1782 est jusqu’à présent la seule attestation de la qualité maçonnique de Rouget de l’Isle qui n’apparaît plus jamais dans les archives et notamment pas sur les tableaux des Frères discrets de 1783, 1785 et 1788.

Alors comment apprécier la curieuse, et semble-t-il courte, carrière maçonnique du frère Rouget de l’Isle ? L’engagement maçonnique de l’auteur de La Marseillaise aurait-il été si éphémère et ne relèverait-il donc que de l’anecdote sans signification ? L’étude du tableau de 1782 et plusieurs autres documents permettent peut-être de l’éclairer au regard de la réalité maçonnique de l’époque. Tout d’abord plusieurs frères sont qualifiés de « membre aggrégé (sic)» ou de « membre externe », la mention « membre né » signifie donc très probablement que Rouget de l’Isle a été initié aux Frères Discrets. Par ailleurs, tous les frères sont détenteurs de hauts-grades, – Elus, Chevalier d’Orient, Rose-Croix et même Ch[evaliers] de D[ieu] et de s[on] T[emple] – sauf les quatre derniers de la liste dont Rouget de l’Isle. Cela tend à confirmer qu’il s’agit des frères récemment reçus qui ont obtenu les trois premiers grades dans les mois précédant la rédaction du tableau. Cela est d’ailleurs conforme aux usages maçonniques du temps.

D’autres éléments des archives permettent de mieux connaître le contexte maçonnique dans lequel a évolué Rouget de l’Isle et peut-être de mieux saisir ce qu’a pu être sa vie maçonnique. Ainsi le « 1er jour du 5 mois de l’an de la Grande Lumière 5782 », le Vénérable Maître de la R\L\ Les Frères Discrets écrit au Grand Orient :

« Si vous nous faites la faveur de jetter un coup d’œil sur notre tableau, nous vous prions de bien vouloir y distinguer les frères domiciliés d’avec ceux qui ne sont point à postes fixes dans cette ville. Vous n’en trouverez que cinq dans le premier cas, et quatre autres qui demeurant dans les environs ne paraissent en loge qu’une ou deux fois par an. En conséquence, si la garnison vient à partir de notre orient, comme nous devons toujours nous y attendre, il est de toute évidence que les cinq frères qui resteront, n’étant pas riches se trouveront surchargés de frais ; la location du Temple et son entretien journalier ne pouvant plus rouler que sur eux. Il n’est pas difficile d’en conclure, TT\RR\et PP\FF\ que la loge est dans l’impossibilité absolue d’accepter la cotisation que vous lui demandez, vu que nous ne serions plus assez nombreux pour y suffire, et que nous ne pouvons un instant compter sur les frères militaires qui peuvent partir d’un moment à l’autre par ordre du roy, ou donner leur démission à la loge » (ff°75-76).

Cette situation ne s’améliorera pas au fil des années puisque « le 5ème j. du 4m. 5788 » soit six ans après, le Vénérable écrit au nouveau au Grand Orient : « Nous avons l’avantage de vous envoyer le tableau des frères qui composent notre faible et respectable loge, par le relachement des maçons qui ne sont pas plutôt maîtres symboliques qu’ils demandent leurs patentes puis donnent leurs démissions. Et c’est donc sur quelques frères zélés que retombent tous les frais que la loge est obligée de faire ». Au XVIIIème siècle les loges sont en effet ouvertes à tout visiteur porteur d’un diplôme maçonnique authentique. Aussi, certains frères – et en particulier les frères militaires – étaient suspectés de n’être membres actifs d’une loge que jusqu’à l’obtention de ce sésame maçonnique… pour ensuite visiter de ci de là sans supporter les coûts et les obligations imposer par la vie d’une loge ! Initié, passé au grade de Compagnon puis élevé à la Maîtrise en 1782 en quelques mois, selon les usages de l’époque, le frère Rouget de l’Isle a ensuite probablement visité les loges au gré de ses affectations… sans pour autant supporter les contraintes d’une affiliation en bonne et due forme à une loge particulière... et laisser dans les archives les traces de sa carrière maçonnique.

Au-delà du cas intéressant de l’auteur de l’hymne national, ce petit problème d’érudition maçonnique souligne la difficulté d’évaluer la réalité d’un engagement maçonnique au XVIIIe siècle et donc de cerner la signification que peut lui donner l’historien.

Rouget de Lisle et ses Frères

d'Alsace et de Lorraine.

Par Bernard Reimeringer

Claude-Joseph Rouget de Lisle, le père de notre hymne national, est Fils de la Lumière. Le "Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie" de Daniel Ligou ne lui consacre que quelques lignes : "Le célèbre auteur de "la Marseillaise" a appartenu à la loge Les Frères Discrets , Orient de Charleville. Plusieurs membres de sa famille ont appartenu à la loge L'Intimité , Orient de Niort.

Voilà peu de renseignements sur les activités maçonniques d'un de nos grands héros mythiques de la Révolution et de la République. Aujourd'hui encore tous les historiens de la Franc-Maçonnerie, du fait de la minceur des données léguées à la postérité, s'accordent pour affirmer la modestie des activités maçonniques du Frère Rouget de Lisle. Mise à part son inscription sur le tableau de la loge des Frères Discrets de 1782, sa qualité maçonnique n'apparaît plus jamais dans les archives et notamment plus sur les tableaux de l'atelier de Charleville de 1783, 1785 et 1788 (1). Ces silences ne signifient cependant pas, pour Rouget de Lisle, rupture totale d'avec la Maçonnerie. Car le jeune officier du génie qu'il est, appelé à de fréquents déplacements, croise de nombreux Maçons au gré de ses diverses affectations. Se constitue ainsi un contexte où se tisse un réseau de liens solides entre lui-même et des Francs-Maçons. Et il leur devra beaucoup. L'histoire - et même la petite - a retenu leurs noms.

Jeune capitaine du génie en garnison à Strasbourg depuis 1791, il fréquente le salon du maire, le baron Philippe-Frédéric de Dietrich, un important Maçon de La Candeur, une Loge de la Stricte Observance du Directoire Écossais de Bourgogne. De Dietrich, comme d'autres maçons strasbourgeois, appartient aux Illuminaten et son pseudonyme est Omarius (2). Outre les militaires, ce salon reçoit aussi les Frères de la Loge de de Dietrich : c'est dire que Rouget de Lisle les côtoie directement durant son séjour de plus d'un an dans la capitale alsacienne (3). Et l'on voit mal ces Frères ne pas évoquer, au détour de quelques conversations, quelques éléments de leur vie maçonnique.

Les Loges strasbourgeoises ont, à ce moment cependant, cessé de se réunir : Rouget de Lisle ne peut donc plus participer à des activités maçonniques régulières. Mais force est de constater qu'il continue d'évoluer, durant tout son séjour sur les bords du Rhin, dans un milieu maçonnique, ici le strasbourgeois.

Pour l'histoire, il est le père officiel et indiscuté de La Marseillaise.

Mais dans cette affaire d'attribution de la paternité de notre hymne national, rendons à la Franc-Maçonnerie strasbourgeoise ce qui lui revient de droit : la famille de Dietrich, dans une large mesure, concourt elle aussi à sa naissance. C'est en effet le maire de Strasbourg qui, quelques jours après la déclaration de guerre, demande le 25 avril 1792 à Rouget de Lisle un chant militaire pour l'armée du Rhin. Particulièrement inspiré, notre capitaine le compose - musique et paroles - dans la nuit qui suit, celle du 25 au 26 avril. Son titre originel : "Chant de guerre pour l'armée du Rhin" et son premier interprète, le 26 au soir dans son propre salon et devant ses familiers, est de Dietrich. Dans les jours suivants, l'épouse du maire arrange quelque peu les partitions et se charge de les faire parvenir à d'autres personnes en Alsace et à Bâle (3). Nous ignorons si madame de Dietrich appartient alors à la Franc-Maçonnerie féminine. Mais elle n'ignore pas l'appartenance de son époux. Ce qui est néanmoins sûr c'est qu'elle en est membre après 1800. En 1805, la Loge parisienne des Francs-Chevaliers se transporte à Strasbourg pour y tenir une Loge d'adoption le 15 septembre. Sa présidente, en qualité de Grande Maîtresse, est la baronne de Dietrich. Lors de cette tenue, elle a l'honneur d'accueillir l'impératrice Joséphine et d'initier en sa présence ses dames d'honneur (5).

Décidément, des Francs-Maçons sont toujours présents dans l'entourage immédiat de Rouget de Lisle.

Au cours de l'été 1792, il quitte Strasbourg pour la place de Huningue. Son Chant de guerre pour l'armée du Rhin est devenu L'Hymne des Marseillais ou La Chanson des Marseillais puis, avec le succès que l'on sait, La Marseillaise. En 1797, alors que son auteur a quitté l'armée depuis un an, c'est le triomphe de son œuvre à l'Opéra de Paris, sous la direction du grand musicien Gossec, ancien membre de la Loge parisienne La Réunion des Arts (6).

Après 1796-97 Rouget de Lisle vit de longues années dans la gêne. Elles ne nous sont pas connues. Ce qui est sûr, c'est que La Marseillaise ne lui vaut ni honneurs, ni fortune, ni gloire artistique.

Les dix dernières années de sa vie le voient à nouveau fréquenter de fort près des Francs-Maçons.

A partir de 1826, la précarité de ses conditions d'existence l'amène à s'installer à Choisy-le-Roy auprès de ses vieux compagnons d'armes, le général Ange Blein et un dénommé Jacques-Philippe Voïart, propriétaire de l'immeuble d'accueil.

Voïart est un inconnu. Il tient tout de même une certaine place dans l'histoire de la Franc-Maçonnerie d'Ancien Régime en Lorraine. Il est né à Metz en 1756. Vers 1776-1777 il est garde-magasin des vivres à Longwy, place-forte à l'époque dépourvue de Loge. En 1777 il est affilié à la Loge du régiment de la Marck. A la fin de cette année 1777 et au début de 1778, le régiment suisse d'Erlach-Infanterie s'installe pour partie à Longwy et pour partie à Thionville. Cette unité n'a pas de Loge et ses officiers francs-maçons assistent aux tenues de l'atelier civil thionvillois La Double Union.

En juillet 1778, à partir de Thionville, les Frères suisses adressent au Grand Orient de France une demande de constitutions au profit d'une Loge militaire régulière à l'Orient d'Erlach-Infanterie. Voïart est l'un des signataires de la demande. La nouvelle Loge est installée par La Double Union et prend pour titre distinctif La Franchise Helvétique. Voïart en est encore membre en mars 1779, alors que le régiment est en partance pour Marseille (7). Par la suite, toujours domicilié à Longwy, il rejoint les rangs de L'Union Fraternelle à l'Orient du régiment de Royal-Roussillon. En 1787, avec quelques bourgeois longoviciens, il met sur pied une Loge civile provisoire. Elle n'obtient ses constitutions du Grand Orient qu'à la fin de 1788 et son titre distinctif est La Réunion Philanthropique à l'Orient de Longwy. Ses feux sont allumés par des Frères thionvillois de La Double Union le 1er février 1789. Son premier Vénérable Maître est Voïart.

L'homme se place au-dessus de la moyenne des bourgeois maçons de l'époque : il cultive les lettres et sait aussi se faire poète. Il fait siennes les idées politiques nouvelles du temps.

Fait original dans les annales de la Franc-Maçonnerie d'alors : il met son orientation politique explicitement en relief dans sa Loge longovicienne à l'occasion de la tenue d'allumage de ses feux, alors que dans le monde profane s'élaborent les cahiers de doléances et se préparent les Etats Généraux. Il déclare en effet dans son discours d'installation : "...Tout nous annonce des beaux jours et nous ne pouvions être régularisés sous de meilleurs auspices. Des associations patriotiques, une assemblée nationale, tout doit nous faire conclure que la force ne naît que de la réunion. Nous avons un titre de plus que tous ceux dont je viens de parler. Ils ne sont que des citoyens, et nous, TT( CC(FF(, en nous faisant gloire de l'être, nous pouvons y ajouter celui de Maçon. Témoignons donc par nos acclamations notre joie et notre contentement" (8). Pour les Maçons de la Loge, une belle invitation à soutenir le nouveau cours des choses en ce début de 1789.

Voïart s'engage d'ailleurs au service de la Révolution, du moins tant qu'elle reste modérée : en 1790 il est administrateur du district de Longwy puis son président. En 1792 il est administrateur des vivres à l'armée de Sambre et Meuse et à celle du Nord. Il prend ensuite le chemin de Paris où on lui confie la fourniture des Invalides. La Terreur l'incarcère quelques semaines (9).

En 1811 il s'installe à Choisy-le-Roi et c'est là qu'il accueillera plus tard Rouget de Lisle.

Sa demeure est ouverte au monde et devient une sorte de salon. C'est ici que l'auteur de La Marseillaise rencontre des libéraux et des républicains (10). Parmi eux, le chansonnier Béranger et le célèbre statuaire David d'Angers. Pure âme républicaine, David d'Angers a appartenu en 1811 à la Loge Le Père de Famille à l'Orient d'Angers (11). En 1830 il modèle un médaillon de Rouget de Lisle (12).

A considérer d'ailleurs ce milieu politique, on est en droit de se demander si Rouget de Lisle n'en subit l'influence : sur le tard de sa vie, n'aurait-il pas glissé vers le libéralisme et la république ?

Le père de notre hymne national s'éteint le 26 juin 1836 à Choisy-le-Roy, entouré de la famille Voïard et du général Blein. Le Franc-Maçon Jacques-Philippe Voïard est un des signataires de l'acte de décès.

Rouget de Lisle a certes été un Franc-Maçon effacé. Mais reconnaissons qu'une grande partie de son existence s'est déroulée aux côtés de nombreux Fils de la Lumière. Bien plus, son œuvre principale, La Marseillaise, est hautement redevable à la Maçonnerie.

Pour la postérité, son souvenir a aussi été taillé dans la pierre brute dans sa ville natale de Lons-le-Saunier par un Franc-Maçon de la Loge Alsace-Lorraine, le célèbre statuaire Bartholdi.

Notes

1. Voir ci-dessus

2. D'après Marie-Joseph Bopp, "L'activité maçonnique en Alsace pendant la Révolution Française" , Revue d'Alsace - 1955, Paul Leuilliot, " Bourgeoisie d'Alsace et Franc-Maçonnerie aux XVIIIe et XIXe siècles" , in "La Bourgeoisie d'Alsace", Strasbourg, 1954, et Pierre-Yves Beaurepaire, "Un creuset maçonnique dans l'Europe des Lumières : la Loge La Candeur , Orient de Strasbourg" , Revue d'Alsace, 1998.

3. Dans le domaine politique, Rouget de Lisle et de Dietrich ont en commun la modération. Le maire de Strasbourg ouvre les colonnes de son journal à Rouget de Lisle entre avril et août 1792. C'est dire la confiance qu'il lui accorde. Rouget de Lisle n'est pas républicain mais monarchiste constitutionnel. La Terreur l'emprisonne et il ne doit son salut qu'à la chute de Robespierre. De Dietrich est guillotiné à Paris 29 décembre 1793.

4. Éric Hartmann, "La Révolution Française en Alsace et en Lorraine",  Paris  1990 , pp. 290 et 291.

5. René Le Forestier, "Maçonnerie Féminine et Loges Académiques" , 1979, p. 212.

6. "Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle" de P. Larousse (article "Marseillaise") et D. Ligou, "Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie".

7. D'après les tableaux de la Loge thionvilloise disponibles à la Bibliothèque Nationale sous FM 2 - 430 et de la loge militaire suisse FM 2 - 6.

8. Le texte de ce discours, rédigé de la main de Voïard, est conservé dans le dossier de la loge de Longwy, FM 2 - 261. Affirmer une telle position, de nature ouvertement politique, est des plus rares dans le déroulement habituel d'une tenue. Rappelons que les usages maçonniques interdisent alors les débats de nature politique dans les Loges. Et rarissime est l'existence d'un document révélant clairement à l'historien l'engagement politique au profit de la Révolution naissante d'un Franc-Maçon au cours d'une tenue.

9. René Paquet, "Histoire de Metz 1789-1800, Bibliographie Analytique" , Paris 1926 et Émile Bégin, "Biographie de la Moselle" , 1832 (Le Frère Émile Bégin...).

10. D'après les souvenirs laissés par la fille de Voïart (et dont la mère est une Bouchotte, sœur du très républicain ministre de la guerre de 1793 ; les Bouchotte sont messins d'origine). Devenue Madame Tastu, elle se fait un certain nom dans les lettres et dans les milieux libéraux (Voir le "Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle" de Larousse à "Tastu" et "Voïard"). Le couple Tastu participe aux réunions organisées par Voïart et connaît donc fort bien Rouget de Lisle. Les souvenirs de Madame Tastu évoquant la fin de la vie Rouget de Lisle à Choisy-le-Roy sont retranscrits dans l'ouvrage de Jean-Julien Barbé, "A travers le vieux Metz, les Maisons Historiques" , Metz 1937, 2e partie, pp. 114 à 116 ; nous nous en inspirons ici.

11. "Dictionnaire" de D. Ligou. Voïart s'occupe aussi de botanique. Un intérêt qui l'amène à être un des fondateurs de la "Société Linnéenne" dont l'objet est de propager les thèses du grand botaniste suédois Carl von Linné. Parmi les membres très actifs de cette société savante, Raspail, ancien carbonaro et Franc-Maçon, initié dans la célèbre Loge parisienne Les Amis de la Vérité. Rouget de Lisle a probablement croisé Raspail chez les Voïart.

12. "Grand dictionnaire..." de Larousse à "David d'Angers". Ce médaillon a le mérite d'être non seulement l'œuvre d'un Franc-Maçon, mais a aussi celui d'avoir été réalisé du vivant de Rouget de Lisle par un grand artiste l'ayant amplement côtoyé. Le célèbre tableau du peintre Isidore Pils, "Rouget de Lisle chantant la Marseillaise", date de 1849. Il est une œuvre de composition ("Petit Larousse de la peinture" , Paris 1979). L'historien Éric Hartmann dans son étude déjà citée le qualifie de "tableau tout à fait infidèle" (p. 314 , note 6), ce qui n'enlève rien à la valeur mythique que lui a conférée le temps.