Institut d'études et de recherches Maçonniques

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Napoléon, Lucien, "Plon-Plon" et les autres :

la maçonnerie "officielle" sous le Second Empire

Yves HIVERT-MESSECA

 

Le 2 Décembre 1851, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte restaure par un coup d'état militaire le césarisme en France. Les Francs-Maçons, dont une petite minorité a choisi la résistance, optent pour la prudence. Un arrêté du 10 Décembre 1851 du Grand Orient de France (GODF) décide la suspension momentanée des travaux. La circulaire obédientielle du 1er Janvier 1852 est révélatrice de cet état d'esprit

"... point de questions politiques ; point de discussions religieuses dans nos temples ; la philosophie est notre domaine, la bienfaisance est notre action, et rien ne pourra nous diviser dans la recherche du bien ...".

Le plébiscite passé, le GODF s'empresse dès le 29 Décembre 1851 d'autoriser les ateliers à reprendre leurs travaux pour la nouvelle année. Mais la Constitution du 14 Janvier 1852, copie presque conforme à celle de l'an VIII, mettait la maçonnerie dans une situation à peu près identique à celle du Consulat et du Premier Empire.

Le rétablissement de la Grande-Maîtrise au GODF préludait de quelques mois la restauration de l'Empire (1).

Le 9 Janvier 1852, Louis MURAT est élu Grand-Maître. Le 26 Février, le nouveau Grand-Maître est solennellement installé au Cirque d'Hiver.

Le 25 Mai 1852, le frère J.G.V. FIALIN, duc de Persigny, nouveau Ministre de l'Intérieur, invitait, dans une circulaire, les autorités maçonniques à ramener à la raison les loges contestataires. Le 31 Mai, une circulaire du Grand-Maître lui faisait écho :

"Notre sort est donc entre nos propres mains. Quant à moi, je comprends que mon devoir est de frapper sévèrement tous ceux qui mettraient en danger par une conduite contraire à nos règlements l'existence de notre Ordre tout entier ...".

Pour la maçonnerie comme pour la France, l'Empire autoritaire était bien en place. Les obédiences maçonniques se devaient d'être des associations philo-gouvernementales. Au GODF plus qu'au Suprême Conseil de France (SCDF), existait la volonté de certains dignitaires de générer une maçonnerie "officielle".

La tentative échoua malgré quelques loges bien pensantes comme "La Sincère Amitié" ou "Saint-Antoine du Parfait Consentement" ou deux ateliers créés en partie pour cet objectif : "Saint-Lucien" et "Bonaparte".

Dans le numéro 15 de l'année 1852 de la revue "Le Franc-Maçon" (2), publiée par DESCHEVAUX-DUMESNIL et Jules LAVOINE, on peut lire :

"Il y a une loge à l'orient de Paris qu'on appelle loge Saint-Lucien. Nous n'avons jamais rien dit de cette loge, parce que, vraiment, son existence ne nous est relevée que par les on-dit. ... Des frères illustres à plus d'un titre composent cette loge. ... Des récréations à la mode de Londres suivent les travaux ; les cotisations sont élevées, l'initiation et l'affiliation y sont très difficiles, le bien s'y fait, dit-on, à la manière maçonnique anglaise ...".

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Prudents, les rédacteurs ajoutent :

"Un propriétaire a bien le droit d'admettre chez lui qui bon lui semble ... Qu'importe en définitive qu'on ne puisse aller à Saint-Lucien comme à La Redoute de la rue de Grenelle ...".

La très mondaine, très discrète, et néanmoins très respectable loge "Saint-Lucien", constituée le 27 Octobre 1852, avait été solennellement installée le 3 Novembre suivant au sein du GODF.

Son titre distinctif ne faisait pas référence au premier évêque de Beauvais ou à un martyr d'Antioche, mais à l'un des prénoms de S.A.R. Napoléon Lucien Charles MURAT, nouveau Grand-Maître du GODF. Elle sera au demeurant intimement liée à son magistère, constituant à la fois une loge familiale et une sorte de conseil-bis du Grand-Maître.

Les divers documents publiés par cet atelier permettent cependant d'en préciser les activités. Ainsi son "manuel pour l'année maçonnique 5859" (typ. A. Lebon, Paris, 1859) nous apprend que "Saint-Lucien" se réunit en tenue le troisième mercredi de chaque mois à 20 heures, et en comité le lundi qui précède.

La cotisation annuelle est fixée à 100 francs payables et exigibles par trimestre d'avance. Le montant de la réception est fixé à 200 francs. L'augmentation au deuxième degré coûte 50 francs, celle au troisième grade 150 francs (3).

Les divers tableaux montrent la volonté de "Saint-Lucien" d'avoir un effectif modeste mais choisi.

années

1853

1854

1855

1856

1856

1856

1857

1858

1859

1860

membres actifs

26

31

27

28

21

(29)

23

27

22

?

Ce souci d'élitisme socio-maçonnique est clairement affirmé lors de diverses réunions.

Ainsi ce thème est repris par de SAULEY dans son "Discours sur l'Egalité" (tenue du 21 Décembre 1859) :

"S'il est au monde une noble et sainte chimère, c'est assurément celle que représente le mot "égalité" dans la trilogie maçonnique ... il est à peine besoin de parler de l'égalité physique ... En somme, j'ai trouvé dans le monde profane ce que je trouve à la vie maçonnique elle-même, c'est-à-dire inégalité partout, inégalité contre laquelle je n'ai de ma vie élevé l'ombre d'une prétention orgueilleuse ..."

Le premier Vénérable fut Hippolyte Joseph Amédée BUGNOT, architecte-contrôleur à l'Hôtel des Invalides, remplacé en Mars 1854 par Louis François CAIGNARD de SAULCY, polytechnicien, archéologue, numismate, historien, alors membre du Comité Historique au Ministère de l'Instruction Publique et des Cultes, et de l'Académie des Inscriptions-et-Belles-Lettres, futur président de la Commission de la Topographie des Gaules (1856), sénateur (1859), Commandeur de la Légion d'Honneur (1863) et président d'honneur de la Société Française de Numismatique et d'Archéologie (1872).

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Sa vie maçonnique est tout aussi active que sa vie profane. Membre du Conseil du Grand-Maître (1852), du Grand Collège des Rites (1859) et de l'Institut Dogmatique du GODF, garant d'amitié auprès des Grandes Loges d'Ecosse et du Danemark, il se sépara de la maçonnerie après le Convent de 1877. Le 11 Mars 1878, dans son testament, il écrira :

"J'interdis de la manière la plus formelle l'intervention des Francs-Maçons à mes funérailles. Ils ne croient plus à l'existence de Dieu, ni à l'immortalité de l'âme ..." (4).

"Saint-Lucien" est assez bien à l'image de son Vénérable : savante, aisée, traditionnaliste et modérée.

"Saint-Lucien" est d'abord l'atelier du "clan" MURAT. Le Grand-Maître en est Vénérable d'Honneur ad vitam. S'il assiste exceptionnellement aux réunions, il surveille de près "sa" loge par l'intermédiaire de ses deux secrétaires particuliers, le bruxellois Prosper Pierre Joseph CLAUDE et l'italien Lisabbe RUFFONI.

L'atelier a également initié le fils aîné du Grand-Maître, le prince Joseph Joachim Napoléon MURAT (1833-1894), alors lieutenant aux guides et futur général de brigade (1870). "Saint-Lucien" est également l'atelier d'un des beaux-frères du Grand-Maître, Charles Gustave MARTIN, baron de CHASSIRON (1818-1871), maître des requêtes au Conseil d'Etat, et d'un petit neveu de Joseph BONAPARTE, Nicolas Marie baron CLARY (1820-1868), maire de Trouville. Néanmoins, les princes BONAPARTE, fort nombreux dans l'Art Royal, bouderont "Saint-Lucien". Seul Pierre BONAPARTE (1815-1881), un des fils de Lucien, acceptera d'en être officier d'honneur.

"Saint-Lucien" joue aussi le rôle d'un conseil "parallèle" du Grand-Maître. Quelques semaines avant sa "dormition", il compte parmi ses membres les deux Grands-Maîtres adjoints du GODF, Emile DOUMET (1796-1869), alors député de l'Hérault, ancien maire de Sète, riche collectionneur d'antiquités, et Armand Félix HEULLANT (1797-1867). Les trois grands dignitaires de l'Ordre figurent sur les tableaux de "Saint-Lucien" : outre SAULCY, notons Auguste DESANLIS, ancien Grand-Maître adjoint, et Alfred BLANCHE (1816-1893), alors Conseiller d'Etat et futur secrétaire général de la Seine (1865). Il en est de même de deux des six Grands Officiers d'Honneur du GODF : BUGNOT et Paulin Auguste RAZY (1818-1871), greffier au Tribunal de première instance de Paris et lui aussi ancien Grand-Maître adjoint. Ils seront rejoints par un autre frère de "Saint-Lucien", le comte Xavier BRANICKI, nommé par décret du 1er Juillet 1862. Enfin, 3 des 21 membres du Conseil du Grand-Maître sont également frères de "Saint-Lucien" : BLANCHE, Balthazard LALLIER et Léon PORTALLIER. On peut ajouter à ces dignitaires obédientiels François-Gervais REXES, ancien Grand Officier d'Honneur, et Albin de BERVILLE, ancien Grand-Maître adjoint.

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"Saint-Lucien" se voulait enfin la loge de grands notables, bonapartophiles, pourvus d'un capital solide et de revenus conséquents et titulaires de charges civiques et/ou militaires, multiples et diverses. Citons l'éclectique Henri-Salomon AVIGDOR, banquier et entrepreneur, ancien député sarde, chargé d'affaires du Prince de Monaco à Paris, consul de la République de San Marin auprès de Napoléon III, comte et camérier secret de cape et d'épée du Pape, le banquier parisien Paul DURAND, son confrère Léopold JAVAL ( 1802-1872), député de l'Yonne et un des créateurs des premiers omnibus de Paris dits "Orléanaises" ou "Favorites", et le courtier d'assurances marseillais Abraham MARINI.

L'atelier comptait ainsi 17 propriétaires ou rentiers (5) comme Gilbert CONSTE, Julien COHEN, Alfred CAILLEZ, Henri-Louis MARCHAND, ou Jean-Adolphe SAVIGNON. Les officiers étaient bien représentés (13 frères) avec entre autres le chef d'escadron J.H. DEN ONDEN, les capitaines E. DEVILLE et J.L. VAFFLARD, le lieutenant C. SILLY, les sous-lieutenants J.C. SEE et J. ROLLOT, et le futur général de brigade (Octobre 1870) Henri-Pierre GUEPRATTE (1815-1894).

"Saint-Lucien" possédait également cinq hauts fonctionnaires dont Louis Charles Marie baron de VINCENT (1792/1872), sous-préfet (1835-1848), préfet (1848-51), conseiller d'état (1852) et sénateur, et un magistrat Saint-Albin de BERVILLE (1788-1868), ancien avocat des libéraux et conspirateurs sous la Monarchie Constitutionnelle, ancien député devenu sous l'Empire président de Chambre à la Cour Impériale de Paris. Retenons également que dix frères de "Saint-Lucien" étaient (avaient été ou seront) députés et/ou sénateurs.

Les bourgeoisies étaient encore présentes à "Saint-Lucien" avec cinq professions juridiques, deux diplomates, un pharmacien, un négociant, un ingénieur civil, et Urbain LEBLANC (1797-1871), professeur à l'école vétérinaire d'Alfort et membre de l'Académie de Médecine en 1852.

Elles côtoyaient 19 membres de la noblesse (d'Ancien Régime, d'Empire ou de la Restauration), comme le comte Joseph-François d'ARTENN, rentier, Marie-Octave Léopold de CARAYON-LATOUR (1824-1890), frère d'un député du Tarn et d'un futur sénateur de la Gironde, B.A.J.  SABATIER de LA CHADENEDE, ou le baron Emile CLEMENT-MOET, tous deux lieutenants.

"Saint-Lucien" avait initié également quelques fonctionnaires de rang plus modeste comme E. LIPMANN, attaché au Ministère des Affaires Etrangères (6), et deux artistes peintres abonnés des salons officiels et titulaires de la Légion d'Honneur : Auguste MATHIEU (1810-1864), paysagiste, et Gabriel Aristide PASSOT (1797-1875), portraitiste entre autres de LAMARTINE et de ROSSINI.

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Pourtant "Saint-Lucien" ne sera pas une simple courroie de transmission du régime impérial en général, et du magistère autoritaire du prince MURAT.

La loge est d'abord largement ouverte aux divers courants religieux. On y trouve un fort noyau israélite, avec entre autres le mulhousien JAVAL, le niçois AVIGDOR et le marseillais MARINI. Un frère sur dix environ est issu de la communauté protestante, comme le conseiller d'état A. BLANCHE. Beaucoup de membres de la loge semblent plus théistes et déistes qu'adeptes pratiquants d'une religion révélée. Si l'atelier ne discute point la croyance en Dieu et en l'immortalité de l'âme, on y prône la plus indulgente liberté de conscience dans le domaine religieux. Paulin RAZY, orateur lors de la fête solsticiale du 27 Janvier 1855, insiste sur le droit et le devoir de la maçonnerie de recevoir "les enfants de toutes les religions". Certes, il ne s'agit pas là d'une attitude franchement révolutionnaire, mais "Saint-Lucien" n'hésitera pas à appliquer cette règle en initiant l'attaché de l'ambassade de Turquie et SEFER PACHA, "général au service de la Sublime Porte" d'origine polonaise mais converti à l'Islam.

Vers la fin de son existence, on entendra même sur les colonnes de "Saint-Lucien" quelques critiques appuyées sur le pouvoir temporel du Pape ou, plus subtilement, des louanges explicites à la Religion Universelle.

Plus notable est le rôle joué par l'atelier dans les desseins géo-politiques de l'Empereur. Le principe des nationalités cher à Napoléon III y trouve une application" diplomatico-maçonnico-mondaine".

"Saint-Lucien" s'enthousiasme pour l'unité italienne et soutient, par la parole et l'argent, l'intervention militaire de 1859-60. Par ailleurs, l'atelier initie (ou plutôt régularise) en 1854 le comte Ladislas TELEKI (1811-1861), ancien représentant du gouvernement hongrois à Paris. Par son intermédiaire, le frère KOSSUTH eut divers contacts officieux lors de ses passages à Paris, mais la France impériale avait tendance à considérer les revendications hongroises comme un problème intérieur autrichien. De même, la sympathie pour la cause polonaise demeura très théorique.

Divers nobles polonais en exil seront couchés sur les tableaux de "Saint-Lucien", comme les comtes Ignace BUNINSKI, Adolphe KRONOSKI, Stanislas POTOCKI, Roger RACZINSKI, Jean RZYSCZEWSKI ou le major Ignace de TERLECKI, naturalisé britannique, membre de plusieurs sociétés scientifiques françaises et de la loge anglaise de Cheltenham. Le plus célèbre frère "polonais" de "Saint-Lucien" sera cependant le comte Xavier BRANICKI (1815-1879), un des dix personnages les plus considérables de l'émigration polonaise, possesseur d'une importante fortune, naturalisé français en 1854. Directeur-fondateur de "La Tribune des Peuples", maire de Montrésor, il sera l'un des administrateurs du "Crédit Foncier". Sans doute ces frères mirent-ils beaucoup d'espoir dans la France, au moins jusqu'à la révolte polonaise de 1863 ? A cette date, il est vrai, "Saint-Lucien" était tombé en sommeil.

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Sélectif sur le plan social, "orthodoxe" au niveau maçonnique, tolérant en matière religieuse, ouvert aux réfugiés (notables du moins), l'atelier "Saint-Lucien" fit preuve également d'une certaine ouverture politique en recevant toutes les composantes ... du bonapartisme, du "mameluk" E. DOUMET, ancien membre des fameuses "commissions mixtes" au député L. JAVAL, membre du Tiers Parti d'E. OLLIVIER.

Bien plus, malgré son nom, "Saint-Lucien" avait fait (ou du moins son premier Vénérable) de la résistance au "césarisme" de MURAT. Vers 1856-57, A. BLANCHE eut vis-à-vis du Grand Maître "une attitude ferme et réservée" qui l'emmena à renoncer au vénéralat le 26 Mars 1857 (7). Cependant l'atelier était trop lié au Grand-Maître MURAT. Cette loge, "marginale" par ses choix sélectifs sociaux et politiques, apparaissait à une majorité de frères comme désuète, vexatoire et réactionnaire. "Loge régulière et dûment constituée", elle a sans doute "travaillé pour les progrès de l'Art Royal" (8) mais peu y voyaient la maçonnerie de demain. "Saint-Lucien" entra en dormition quelques semaines après l'abandon de la grande-maîtrise par MURAT. Un certain nombre de ses membres quittera la maçonnerie ou l'obédience, et se retrouvera à la loge "Les Frères Unis Inséparables".

La loge "Bonaparte" constitue l'autre tentative pour créer une maçonnerie "officielle" sous le Second Empire. Si les buts étaient assez semblables à ceux de "Saint-Lucien", les moyens diffèreront sensiblement. Dissemblables déjà sont leurs naissances.

"Bonaparte" fut fondée le 28 Octobre 1852. Le tableau du 18 Novembre 1852, date de la demande officielle des Constitutions, compte 7 membres d'honneur, 12 membres honoraires, 11 officiers provisoires et 24 membres actifs.

6 des 7 membres d'honneur sont des BONAPARTE-MURAT : Lucien MURAT, Grand-Maître, Joachim, son fils, F. de CHASSIRON, Pierre BONAPARTE, tous quatre également membres de "Saint-Lucien", Jérôme BONAPARTE, ancien roi et ancien Grand-Maître du Grand Orient de Westphalie, et son fils Napoléon dit Jérôme ("Plon-Plon"), alors sénateur et conseiller d'état (1822-1891), futur candidat malheureux à la Grande-Maîtrise en 1862 (9). L'ancien Grand-Maître DESANLIS faisait le septième.

Parmi les honoraires, on trouvait Pierre-Marie PIETRI (1809-1864), alors préfet de police de Paris, François CONNEAU (1803-1877), ancien compagnon de conspiration et de cellule du futur NAPOLEON III, premier médecin de la maison impériale et député de la Somme depuis 1852, ainsi que divers dignitaires de l'obédience, déjà mentionnés à "Saint-Lucien", comme BUGNOT ou HEULLANT. Sans attendre l'avis des autorités du GODF, la loge se met à initier allègrement 35 nouveaux frères dans trois tenues de la fin de l'année 1852. Or la Chambre Symbolique avait refusé les constitutions du nouvel atelier prétextant que le quota de loges parisiennes était atteint. S'ajoutaient diverses autres irrégularités comme la présence parmi les fondateurs d'un frère radié. Après un rapport d'inspection défavorable et une nouvelle demande de création, et malgré une plainte pour "réception irrégulière" déposée par la loge "Saint-Antoine du Parfait Contentement", le GODF accorde les Constitutions le 3 Janvier 1854.

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La loge "Bonaparte" est officiellement installée le 1er Mars 1854. Le 6 Avril, le Vénérable-fondateur Eugène MOUTONNET est remplacé jusqu'en 1868 par l'avocat LEZERET de LAMAURINIE, membre du GCDR et futur Conseiller de l'Ordre.

La première décennie d'activité de "Bonaparte" se caractérise par une vie maçonnico-mondaine brillante. L'atelier est l'alter ego de la très sélective et très discrète loge "Saint-Lucien", mais il se veut ouvert aux frères de l'obédience. Surtout son recrutement est important malgré des cotisations élevées.

En Juillet 1858, l'atelier compte 257 membres dont 11 grands dignitaires, 33 honoraires ("honoris causa") et 49 membres libres.

Aux côtés des cinq cousins impériaux ou royaux de l'Empereur, figurent, comme membres d'honneur, le roi Frédéric VII du Danemark, le roi Oscar I de Suède-Norvège et ses deux fils, Charles (futur Charles XV) et Oscar (futur Oscar II), l'ambassadeur de Perse à Paris, Mirzâ FARROKH KHAN, le général José LOPEZ Y VALDES, ancien président de la République de "Nouvelle Grenade" (Colombie), le baron de CHASSIRON, six diplomates persans, cinq dignitaires du GODF, cinq diplomates et/ou dignitaires maçonniques suédois, quatre diplomates et/ou dignitaires maçonniques danois, l'ambassadeur du Vénézuela à Paris et un diplomate brésilien.

Cette période est marquée par un nombre important de réceptions annuelles (20 à 40), par des activités caritatives importantes et par le lustre de certaines tenues. Pour en rehausser l'éclat, l'atelier s'est doté d'une colonne d'harmonie d'une vingtaine de frères à talent, le plus souvent musiciens militaires. Le style ampoulé des procès-verbaux traduit cette atmosphère :

"Les députations, bannières en tête, sont introduites avec le cérémonial prescrit et avec une pompe digne de la circonstance. Au bruit des fanfares de la colonne d'harmonie, les frères visiteurs, en très grand nombre, sont placés selon leurs rangs et dignités ... On était artiste le 20 Février 1856 à "Bonaparte" : on comprenait le Beau. L'atelier était plein de Francs-Maçons en habits de grande et belle fête, tous donnant avec coeur une digne offrande, leur don fraternel aux malheureux ... le gaz étincelait sous la voût du Temple des Fils de Salomon, mille jets de lumière éclairaient l'Est, le Nord et le Midi, et dédoublaient l'animation qui brillait dans les yeux de la nombreuse assemblée ..."

Làs, l'Age d'Or ne dura qu'un temps. En 1862, la loge traverse une crise sérieuse. Elle couve depuis plusieurs années. Il n'est pas toujours aisé à la lecture des procès-verbaux d'en trouver les causes. L'autoritarisme et le formalisme du Vénérable LEZERET sont contestés dès 1859. Mais au travers des critiques adressées au président, certains frères visent le Grand-Maître lui-même. Après une première mise en sommeil, LEZERET promet à MURAT "qu'il n'y aura plus à l'avenir au sein de cette loge que des éléments de concorde, de paix et de prospérité" (28 Novembre 1859). Les escarmouches se poursuivent plusieurs mois. Les muratistes reprochent à certains frères une politique par trop philo-italienne (et par là-même anti-pontificale (10)), à d'autres des propos anti-religieux, à d'autres enfin des préoccupations sociales.

Napoléon, Lucien, "Plon-Plon" et les autres : la maçonnerie "officielle" sous le Second Empire 8

Profitant de la crise de 1861 entre la Commission des Grands Conservateurs nommés par MURAT (dont les pouvoirs expiraient le 30 Octobre) et le Conseil de l'Ordre, les novateurs cherchèrent à infléchir le cours de la loge. En vain. Les officiers de l'atelier les dénoncent au Grand-Maître MAGNAN : "Quelques membres de la loge voulurent saisir cette occasion pour introduire dans la loge des idées dont la discussion même n'est pas permise par les lois maçonniques ...".

A l'automne, le Vénérable LEZERET met à nouveau la loge "en sommeil provisoire afin qu'elle puisse s'épurer ...".

En Décembre, la crise est officiellement terminée. Plusieurs frères avaient démissionné, d'autres étaient partis vers divers ateliers parisiens. 14 membres de "Bonaparte" avaient fondé un autre atelier "La France Maçonnique" (11).

Ainsi, de 1859 à 1863, c'est-à-dire pentant la délicate période du passage de l'Empire autoritaire à un Empire sinon libéral du moins plus libéralisé (années qui voient une évolution identique au GODF), "Bonaparte" passe de 160 cotisants à 85. Elle se maintiendra ensuite autour de ce chiffre.

1862

1863

1864

1865

1866

1867

1868

1869

1870

114

85

81

85

95

108

99

100

60

Surtout, sa composition sociale se modifia notablement. Aristocrates, grands bourgeois (12), hauts fonctionnaires s'en détachent progressivement. Au demeurant, ils ne furent jamais majoritaires à "Bonaparte" (même dans la décennie 1850), comme le montre le tableau ci-dessous.

parlementaires, hauts fonctionnaires et maison de l'empereur

14

diplomates

17

officiers généraux et officiers

15

banquiers, assureurs, directeurs de societes

15

manufacturiers, industriels, fabricants, entrepreneurs

41

rentiers, proprietaires

21

negociants, commerçants, marchands, courtiers

88

professions medicales

21

professions juridiques

11

hôteliers, restaurateurs, limonadiers

10

militaires et gendarmes non officiers

48

enseignants, ecrivains, journalistes, employes des obediences

14

architectes, sculpteurs, peintres

21

musiciens interpretes (sans compter les militaires), artistes dramatiques et de varietes

8

commis-voyageurs, voyageurs et employes de commerce

29

employes des services publics, para-etatiques et municipaux

16

employes de l'industrie, des chemins de fer et des services

17

artisans

45 (31)

ouvriers

15 (29)

Napoléon, Lucien, "Plon-Plon" et les autres : la maçonnerie "officielle" sous le Second Empire 9

Néanmoins "Bonaparte" recrute dans les classes moyennes supérieures et sa composition sociale est nettement plus aisée que celle des autres ateliers parisiens (13).

Dans la décennie 1860, l'atelier est largement dominé par les professions liées au négoce et au commerce qui occupent plus de la moitié des frères. Cette tendance ne peut pas ne pas être sans signification.

Les spécificités économiques des frères sont souvent complémentaires. On retrouve le phénomène de cooptation qui préside à l'entrée en loge. Comme d'autres ateliers à dominante sociale marquée, "Bonaparte" est par certains aspects un lieu de rapprochement où les frères peuvent évoquer leurs préoccupations professionnelles. L'atelier offre donc de multiples facettes : groupement corporatiste, syndicat déguisé de négociants et chefs d'entreprise, association d'artisans, université technique, groupe de pression ou lieu d'informations économiques et sociales ?

L'autre aspect de l'atelier est son cosmopolitisme. Un frère de "Bonaparte" sur 6/7 est né hors de France. Si l'on compte les seuls membres actifs, on compte 54 natifs de l'étranger (14).

"allemagne"

10

belgique, pays-bas

6

suisse

5

"italie"

4

royaume-uni

3

danemark, norvege-suede

3

autriche-hongrie (1866)

2

espagne

2

empire ottoman

6

perse

4

argentine

2

bresil

2

chili

2

colombie

2

La très grande majorité de ces frères appartient au négoce et au commerce.

Peut-on y voir la conséquence du dynamisme économique et commercial de la France, de la signature d'accords de libre échange ou de traités de commerce bilatéraux ?

Le cosmopolitisme de "Bonaparte", comme celui de "Saint-Lucien", lui permit de jouer un rôle maçonnico-diplomatique indéniable.

Des contacts fréquents sont établis avec des frères diplomates suédois ou danois ; l'Amérique Latine est largement représentée avec des négociants, des étudiants et des diplomates.

Surtout, "Bonaparte" a été, avec "La Sincère Amitié" et "La Clémente Amitié", l'une des loges des diplomates, consuls, secrétaires, drogmans, négociants et étudiants persans à Paris : Mîrzâ ABBAS KHAN, Muhammed HASSAN KHAN, Husayn HADJI, Mîrzâ ABDULLAH, Mîrzâ NIZAM GHAFFARI, Nazar AQA, Nebbé KHAN ou Muhammad TAGHI KHAN y furent initiés ou affiliés.

Napoléon, Lucien, "Plon-Plon" et les autres : la maçonnerie "officielle" sous le Second Empire 10

"La seule différence était que la maçonnerie française ne visait plus comme par le passé à faciliter les contacts diplomatiques entre les deux pays, mais à faire passer en Perse les idées nouvelles et à encourager les réformes constitutionnelles" (15). Parmi les maçons iraniens, actifs ou honoraires à "Bonaparte", notons Narîman KHAN, ancien ambassadeur à Vienne, et surtout Mîrzâ MALKUM KHAN, fondateur d'un groupement d'inspiration maçonnique sous le nom persan traditionnel de la Franc-Maçonnerie "Farâmushkâne" (1858), bientôt interdite par Châh en 1861 (16).

Durant la décennie 1860, la contestation gagne "Bonaparte". LEZERET qui préside l'atelier depuis de nombreuses années, désormais chargé d'ans, perçoit bien -et déplore- le cours nouveau. Le 17 Janvier 1868, il annonce sa démission en regrettant "l'éclat de la jeunesse [de l'atelier] ... l'Orient toujours rempli d'un grand nombre de visiteurs". Il "serait heureux de voir renaître ces beaux jours de la loge qui en faisaient à cette époque l'une des premières de l'Orient de Paris". Louis-Jules MOLTENI, ingénieur civil, affilié en 1866, le remplace. Lors de son installation, il explique pourquoi lors du dernier Convent, il a voté pour rendre facultative l'invocation "A la gloire du Grand Architecte de l'Univers" (17).

Les effectifs diminuent. Le tableau du 15 Décembre 1869 ne comporte que 60 noms. La loge n'a plus qu'une tenue mensuelle. Cependant des conférences "de qualité" s'y déroulent avec l'écrivain, historien, ethnologue et linguiste L.-L. PRUNOL de ROSNY, RICHE-GARDON ou J.C. COLFAVRU, futur président du Conseil de l'Ordre du GODF (1885-1887). Pourtant "c'est un atelier profondément modifié qui se passionne maintenant pour la Ligue de l'Enseignement, la mise sur pied d'une société de crédit coopératif maçonnique, qui crée enfin un centre d'action maçonnique pour la propagation de l'enseignement ..." (13).

La loge doute même des bienfaits de son titre distinctif. Le 16 Mars 1870, une discussion s'engage "parce que son nom la met en suspicion auprès des autres loges ...". Quelques semaines auparavant, on avait rendu le nom de Bonaparte responsable de l'échec du centre d'action maçonnique cité ci-dessus. "L'Action maçonnique, journal de la Franc-Maçonnerie universelle", dirigée par les frères Louis REDON et Emile DEREUX, ironise : "Quand on prend un patron, au moins faut-il le choisir présentable ...". Déjà l'attribution du titre de Grand Vénérable d'Honneur au prince Napoléon ("Plon-Plon") avait provoqué des réserves feutrées (15 Février 1865).

Après un échange assez vif, 24 frères optent pour le changement de nom, 13 s'y opposent. Pour protester contre le vote "minoritaire", 19 des 24 majoritaires démissionnèrent. Ils se retrouveront le 20 Avril pour fonder la loge "Ecole" constituée le 19 Mai et installée le 30 courant (18).

Après une démission du Vénérable MOLTENI le 18 Mai, reprise le 1er Juin 1870, "Bonaparte" décide de "se mettre en vacances trois mois" (tenue du 15 Juin 1870).

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Le 17 Juillet 1870, la guerre franco-allemande commençait. Le 4 Septembre, la République était proclamée pour la troisième fois.

La Commune écrasée, l'atelier se réunit plusieurs fois durant l'été 1871 en "Comité général extraordinaire".

Le 30 Août, François PINET, fabricant de chaussures, est élu Vénérable. Absent au moment de son élection, il apprend la nouvelle deux mois plus tard et annonce officiellement son refus au GODF le 6 Février 1872.

Le 23 Août 1871, la loge avait changé son titre distinctif "Bonaparte" en celui plus discret de "Modération".

Làs, ce nouveau baptême n'empêcha point l'atelier de s'endormir dans l'indifférence quelques semaines plus tard.

"Socio cum olla male fervet, et ubi semei res inclinata est, amici de medio" (19).

Yves HIVERT-MESSECA

Août 1994

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Sources

1./ BN Paris, Fonds maçonnique

- "Saint-Lucien" : FM2 634, Baylot FM2 198, FM imp. 2683, FM3 168

- "Bonaparte" : FM1 92 bis, FM2 605, 607, ..., FM2 Baylot SO, FM imp. 1612, 1613, 2669, 1694, 2669, FM imp. Baylot 1432, FM3 29, FM5 2390, 2520, 2675, 2676, 2677, 2696, 2718, 2719

2./ BM Lille, Ms 955-966 fol. 401

3./ Bibliothèque et Musée du GODF, Paris : divers documents imprimés et objets, notamment le tronc de bienfaisance de la loge "Saint-Lucien" et la bannière de la loge "Bonaparte".

4./ Bibliothèque de la GLDF, Paris : divers documents imprimés et objets, notamment une médaille de la loge "Bonaparte".

Notes

1./ Pierre CHEVALLIER, "Histoire de la Franc-Maçonnerie Française", Paris, Fayard, 1984, en particulier le tome 2, pp. 393-396.

Laurence GREGOIRE, "La Franc-Maçonnerie parisienne sous le Second Empire", DEA Paris 1992 sous la direction de Jean TULARD.

Sous la direction de Daniel LIGOU, "Histoire des Francs-Maçons en France", Toulouse, Privat, 1981, en particulier les chapitres 5 et 6.

"Les dignitaires, Berville et Desanlis en tête, s'avisèrent que la Grande-Maîtrise était vacante depuis 1814, feignirent d'attribuer cette vacance à la fidélité qu'ils portaient au souvenir de Joseph et offrirent la Grande-Maîtrise au Prince Murat, le fils du Roi de Naples, neveu de Napoléon I et cousin de Badinguet ...", Daniel LIGOU, "Notules sur l'Histoire de la Franc-Maçonnerie" in "Humanisme" n° 99, 1974.

2./ Revue théoriquement mensuelle, à parution et numérotage irréguliers. Cf. A. DORE, "Essai d'une bibliographie des périodiques maçonniques et anti-maçonniques de langue française, 1763-1945", in "Humanisme" n° 124, 1978.

3./ Les "prix moyens" sont les suivants :

- cotisations annuelles : 24 francs

- réception au grade d'Apprenti : 50 francs

- réception au grade de Maître : 30 francs

4./ Michel de BRY, "Frère de Saulcy et Frère Félix", in "F. de Saulcy (1807-1880)", Editions de la Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1982.

5./ Sur 60 professions connues.

6./ Laurence GREGOIRE, "Les Francs-Maçons fonctionnaires dans l'administration centrale et les maisons impériales sous le Second Empire, 1852-1865", Maîtrise Paris 1991 sous la direction de Jean TULARD.

7./ Le 30 Janvier 1856, en présence du Grand-Maître, il n'hésite pas à déclarer :

"... il faut que les distinctions du dehors disparaissent et que celles mêmes du dedans ne commandent que le respect et la vénération, mais n'arrêtent pas la liberté de la pensée et de la parole ; il faut que les grands d'entre nous ne laissent pas sommeiller l'autorité et la discipline, mais que les petits sachent aussi que les destinées de la maçonnerie ne sont pas moins entre leurs mains, et que, sous toutes réserves de respect et d'amour, il leur reste, inaliéné et inaliénable, le droit de remontrances ..."

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8./ Jean BOSSU, "La loge Saint-Lucien, Orient de Paris", in "Travaux de Villard de Honnecourt", n° 9, 1973.

9./ Sur la lithographie reproduisant le tableau de loge de 1852 (cf. "Le Franc-Maçon", n° 3, 1852), outre les princes déjà cités, on trouve les trois autres fils de Lucien Bonaparte :

- Charles-Lucien (1803-1857), ornithologue émérite, membre honoraire des académies d'Upsal et de Berlin, ancien député de l'éphémère République Romaine (1848-49) ;

- Louis-Lucien (1813-1891), philologue distingué, ancien député de la Corse et futur sénateur ;

- Antoine (1816-1877), ancien député de l'Yonne.

Figure également le comte Félix BACCIOCHI (neveu de Félix BACCIOCHI et d'Elisa BONAPARTE), futur premier chambellan de Napoléon III, surintendant général des théâtres impériaux et sénateur ainsi que le général comte Charles de MONTHOLON, premier exécuteur testamentaire de Napoléon I, ancien compagnon du futur Napoléon III dans l'échaffourée de Boulogne et au fort de Ham, ancien député de la Charente-Inférieure.

10./ Le 24 Mars 1860, la loge "Bonaparte", à l'initiative du frère P.C. de LA VARENNE, approuve "la politique impériale philo-italienne ..." et dénonce l'église catholique, "secte qui se couvre du manteau de la religion dans une croisade toute profane et entreprise uniquement pour la défense d'intérêts matériels assis sur l'oppression d'un peuple ..."

LA VARENNE est l'un des ardents défenseurs de l'unité italienne, comme le prouvent ses nombreux articles et ouvrages dont :

- "Les Autrichiens et l'Italie, histoire anecdotique de l'occupation autrichien depuis 1815", Paris, E.Dentu, 1858 ;

- "L'Italie centrale : la Toscane et la Maison de Lorraine ...", Neuilly, imp. Guiraudet, 1859 .

- "Les instructions secrètes du roi de Naples, dernière page d'une tyrannie", Paris, imp. L. Tinterlin, 1860 ;

- "Le martyr de la Vénétie depuis la paix de Villafranca", Paris, E. Dentu, 1861.

11./ D'après deux tableaux datés du 22 Mars 1862

(*) membre de la loge "Bonaparte"

(A) natif d'un état "allemand"

- COELOS Auguste, négociant

- DURRIEU Jean, négociant (?)

- FALCK Jean, négociant (*) (A)

- FENCI Charles, employé (*)

- GAULTIER Edouard, négociant (*)

- GIRARD Auguste, négociant

- GOELZER Jean-Philippe, fabricant (*)

- HALLEY Gustave, ingénieur civil (*)

- HERTACH Balthazar, négociant (*) (Suisse)

- LAMOUROUX Mathieu, fonctionnaire public

- LEPRINCE Edouard, négociant (*)

- PILLON Louis, emballeur (*)

- SCHMÄHL Henri-Guillaume, négociant (*) (A)

- SCHWEICH Auguste, négociant (*) (A)

- SIEGFRIED Joseph, négociant (*) (A)

- STEIMETZ Moïse, négociant (*) (A)

- TEISSIER Louis Léon, brodeur (*)

- VASSEUR Charlemagne, employé (*)

12./ Comme "Saint-Lucien", "Bonaparte" eut :

- ses hauts fonctionnaires comme l'ancien préfet du Lot Alexandre BOST (1797-1860) ou le préfet de police Pierre Marie PIETRI (1809-1864) ;

- ses aristocrates comme le baron Félix de LASSUS, le comte Henri-Jean de Dieu de LYONNE ou Marie-François Arthur Joseph de MONTESQUIOU ;

- ses savants comme Aimé-Louis CHAMPOLLION-FIGEAC (1813-1894), historien, critique d'art et directeur du Service des Archives Départementales de France et neveu du célèbre égyptologue ;

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- ses peintres officiels et décorés comme Auguste GAMEN-DUPASQUIER (1811-1858), peintre d'histoire et portraitiste, notamment du Grand-Maître MURAT, et Gustave STAAL (1817-1882), portraitiste, dessinateur, pastelliste et lithographe ;

- ou ses écrivains comme Ortaire FOURNIER (1812-1864).

13./ Cf. André COMBES, "La Franc-Maçonnerie parisienne de 1862 à 1870", in "Humanisme" n° 124, Paris, Septembre 1978.

14./ Il s'agit d'un trait commun à divers ateliers parisiens.

Sur 155 membres actifs de la loge "La Sincère Amitié" (tableau au 1er Janvier 1860), 50 sont nés dans un état "allemand", 7 en Autriche, 3 dans les principautés roumaines, 3 en Perse, 2 au Danemark, en Russie, en Suède et en Suisse, et 1 au Brésil, Espagne, Pays-Bas, Piémont et à Bombay, soit la moitié de l'effectif née hors de France.

15./ Cf. l'excellent livre de Thierry ZARCONE, "Mystiques, philosophes et Francs-Maçons en Islam", Jean Maisonneuve éditeur, Paris, 1993.

16./ Hamid AGAR, "An introduction to the history of freemasonry in Iran", in "Middle Eastern Studies", 6, 1970.

Paul SABATIENNES, "Pour une histoire de la première loge maçonnique en Iran", in "Franc-Maçonnerie, symboles, figures, histoire", Editions de l'Université de Bruxelles, 1977.

17./ Assemblée Générale du GODF, 13 Juin 1867 :

- pour le maintien de l'invocation : 180, dont LEZERET, Vénérable de la loge "Bonaparte" et Très Sage du Chapître "La Clémente Amitié" (Paris) ;

- pour le rejet : 67, dont MOLTONI, représentant du Chapître "Hippône" (Bône) ;

- abstention : 1.

18./ BARBEY Louis, quincaillier (*)

BAUDOUX Emile, négociant

BECHEVOT Jean-Hubert, négociant (*), Vénérable

BELLINGUIER Victor, négociant (*)

BLOCH Isidore, fleuriste (*)

COSNIER Louis, rentier

DUBOURG Jean Alfred, fabricant (*)

DUCLOUX Jean, limonadier

GIESEN Arnold, commissionnaire (*)

LACORRE Benjamin, fabricant de cire (*)

LAMBERT Louis, rentier (*)

LEGRAND Adolphe, négociant (*)

LEMAIRE Maurice, avocat (*)

MARCHAND Louis, marchand (*)

MOUSSERON Jules César, fabricant (*)

PAILLOT Jules, fleuriste (*)

PLANCHON Constant, boulanger (*)

POTIER Eugène, commissionnaire (*)

POULAIN Marie-Jules, ingénieur civil (*)

PRETER Alfred, mesureur juré (*)

SCHAFFNER Edouard, employé (*)

SCHIBLEN Louis, fleuriste (*)

SEIDEL Frédéric, employé de banque (*)

THORIN Jules, caissier (*)

WANDERHOEFF Victor, commissionnaire

(*) : membre de "Bonaparte"

19./ PETRONE, "Satiricon", 28.